Pour l'an 2000, les médias avaient annoncé un bug général, on imaginait la tour Eiffel s'éteindre pour ne plus jamais s'illuminer et le monde changer.

Mais si le vrai changement avait eu lieu 20 ans plus tard ? On pensait que les robots envahiraient le monde. Et si finalement, le plus grand changement avait eu lieu dans le plus grand des silences ? Dans une société libre et affirmée, dans laquelle les tabous sont poussés à coup de pied ( ou d'escarpins, voire de baskets !), dans laquelle pourtant plus personne n'échange sans écran interposé.

Le plus gros bug de l'histoire ne serait-il pas celui-ci ? Ne plus pouvoir draguer sans se cacher derrière un emoji clin d'oeil?

Assume toi mais surtout souris tu es selfise(e) !

Chaque jour, on dénonce un peu plus la dictature du physique parfait. Quête du perfectionnisme, oppression sociale, et codes trop formels sont essuyés d’un revers de la main comme le réveil du lundi matin. Pourtant, c’est sur Tinder que l’on retrouve quasiment tous nos amis, notre ex et bien sûr à n’en pas douter, notre future ex-relation presque parfaite !

Pourtant, TINDER est aujourd’hui l’un des sites de rencontres les plus populaires notamment chez les jeunes ! Engagés socialement parlant, les générations connectées n’hésitent malgré tout, pas à swiper d’un côté ou de l’autre en fonction de critères physiques, et UNIQUEMENT de critères physiques.

Avec une moyenne de 10 minutes par visite, on imagine facilement que TINDER a remplacé Candy Crush pendant la « pause popo » du matin. Alors comment expliquer que je, nous, et vous soyez aussi friands de ce culte du beau à portée de doigt ?

L'amour oui mais pas que....!

TINDER est l’incarnation même de l’évolution sociale. A écouter mamie Yrène, papi et elle se sont rencontrés, ont eu des enfants et ont vécu très heureux (ou pas). Mais surtout, Mamie n’a connu qu’un seul homme, dans une époque où la femme n’avait pas vraiment son mot à dire sur les relations de couple et où l’amour n’était en fait pas toujours très rose.

Alors, faisons une expérience si vous le voulez bien ? Mêlons une génération libre, décomplexée, avide de sensations, et un tout petit soupçon de technologie. Qu’obtient-on ? Je vous le donne en mille, TINDER ! A gauche on dit non, et à droite on dit oui, pour une nuit ou pour la vie. Là où la petite Yrène n’a pas pu choisir, c’est à nous maintenant de dire non merci, ou oui avec grand plaisir. Dans une culture de consommation, de rapidité, et d’éphémère pourquoi ne pas aussi consommer l’amour ? « Vis ta vie, et fais tes propres expériences ». On pourrait presque croire à la base-line de l’application.

Derrière un écran parce que en vrai il faut avoir les... de le faire !

« Allez, va la voir ! » « Non arrête si elle me dit non, j’aurais vraiment l’air con ! ». Qui n’a jamais entendu ça ? Reflexe générationnel, mouchoir post-rupture, TINDER s’impose aujourd’hui comme un contrat liant deux parties trop timides, trop « busy » pour s’aborder dans la « vraie » vie. Derrière un écran on apprend à se découvrir, et surtout à se découvrir soi-même. Pourtant, on cache l’application, jamais sur l’écran d’accueil de son smartphone mais pas trop loin en cas de notification imprévue.

Le réel ou le trop réel justement effraie. Désormais les bars bondés font fuir les courageux, alors que s’offrir un profil déshumanisé est un luxe que la technologie nous sert sur un plateau. Manque d’opportunité en raison de sa vie professionnelle : TINDER ou le Drive de ceux qui n’ont pas le choix, plus le temps. Mais derrière la praticité, se cache la nouvelle routine des jeunes. Adieu métro boulot dodo, et embrassons à pleine bouche le « salut ça va- date- et bonne continuation ». Schéma frénétique, presque obsessionnel, rencontrer virtuellement est le nouveau gage de contact humain.

Pourtant le petit cupidon moderne est tabou. Perçu comme un vice par les anciens, TINDER met en lumière les maux de l’humanité toute entière : il ne s’agit pas de juste flirter, débrider sa sexualité mais simplement combler sa solitude, palier à un manque, se rassurer. Pour d’autres, effleurer l’application plus futilement c’est un moyen accessible d’être libre, et surtout d’oser l’inosable. Tinder rassure, ce n’est pas qu’une histoire de fesse, parce que dans toutes les histoires d’amour il y a aussi des petites pêches, c’est aussi un moyen de donner la parole sur le sujet du corps et des émotions, sans s’enfermer dans le carcan de la petite pomme croquée qui mène à la maison, au chien et aux enfants.

Je veux être responsable de mon irresponsabilité

Prépa, master et bac +8 rien n’arrête plus les petits cerveaux actuels. Toujours plus, toujours plus vite. On privilégie sa carrière, et on sauve l’honneur sur TINDER.

Après quelques épisodes de Mariés aux premiers regards, on s’inscrit. On s’imagine déjà avec une belle robe et surtout avec de la naïveté en quelques clics c’est parti pour une aventure utopiste. Toujours plus rêveurs les adeptes vous le diront : photos non contractuelles, techniques d’approches à base de GIF, on pense différenciation et originalité dans le seul but de savoir qui est sur l’application. On s’amuse à voir qui à rejoint le groupe, parce que Tinder c’est désormais presque une appartenance sociale : un groupe, une famille. Les membres se reconnaissent, s’apprivoisent. Mais si, la facilité était le plus grand escroc du siècle ?

On achète bio et moins, on préfère la qualité à la quantité mais on consomme en masse sur internet. Rien n’a le temps de pousser, ni les sentiments ni la sincérité.

TINDER finalement c’est ça : on vit connectés sur les réseaux, chaque clic déconnecte un peu plus. L’an 2000 n’a engendré aucun bug, si ce n’est celui de sacrifier la réalité. A coup de swip, les générations branchées rêvent de ce qu’elles fuient : vivre.